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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 13:26

emotions_colere_clr.jpgJe rencontre beaucoup de parents qui m’expliquent qu’ils ont du mal à coucher leur enfant avant 22h ou à le faire manger à table ou encore à lui faire prendre un bain… Bref, je vois des parents qui se laissent envahir par leur enfant au risque de fragiliser le couple mais surtout avec la conséquence que l’enfant pourrait présenter des troubles psychologiques et/ou du comportement.

Lorsque l’on investigue un peu, on réalise très vite que le parent est plutôt un parent satisfaisant, plein de bonne volonté, pensant bien faire. Ce qui fait défaut, c’est le cadre. Les parents me disent qu’ils n’aiment pas voir leur enfant pleurer ou « chouiner » ! Quand on pousse encore un peu plus loin, on réalise que le parent a peur que son enfant ne voit pas son amour s’il est contraignant ou s’il dit non.

Il a peur également de ne pas savoir respecter les limites de son enfant. Après tout, personne ne nous dit quand nous abusons ou non d’autorité ! Et pourtant, il s’agit de prendre le risque de ne pas tout donner à l’enfant et peut être même de faire des erreurs.

Instaurer un cadre pour l’enfant signifie lui dire  non, lui refuser des demandes, lui interdire l’accès à des lieux et à des privilèges, c’est aussi punir l’enfant, le contraindre à faire des choses, ses devoirs, se laver les dents, prendre son médicaments, dire bonjour….

La majorité des parents n’oublient pas d’apprendre à leur enfant à dire bonjour et merci, à se laver les dents, à faire ses devoirs, mais certains ont peur de dire NON et de punir. Or, c’est deux points sont aussi essentiels que le reste pour aider l’enfant à grandir !

Pourquoi est-il si important de dire NON à son enfant ou même de lui imposer des contraintes ?

Un enfant est une sorte d’électron libre qui, s’il ne se voit pas indiquer la direction, pourrait prendre de mauvaises habitudes. Ce sont nous, les parents, qui sommes capables de lui montrer ce qui peut être ou ne pas peut pas être fait. L’enfant n’est pas capable de décider par lui-même car il n’a pas l’expérience du monde et il ne sait pas évaluer les situations et les individus.

1/ Poser un cadre est très important car cela permet à l’enfant de savoir comment se balader dans le monde qui l’entoure. Lorsque je dis OUI et NON à l’enfant, je lui donne des informations sur cet environnement et je lui permets de créer des habitudes, des stratégies et/ou des outils pour s’y confronter. L’enfant se sent alors en sécurité et a le sentiment de maitriser ce qui l’entoure.  C’est aussi définir une routine dans laquelle les règles sont claires. Il est donc important de ne pas dire oui un jour et non le lendemain pour le même motif. Il s’agit de se montrer constant et cohérent dans ses règles afin que l’enfant acquière une liberté d’action et de pensée autour de cette routine.

2/ Le NON sert à ne pas répondre aux besoins immédiats de l’enfant. Un enfant vit dans le présent et s’il lui est tout permis, il n’acquiert pas certaines compétences telles que la tolérance à la frustration, la capacité à différer et même l’empathie.  Il devient capricieux, irascible et colérique.

3/ lorsque je dis NON à un enfant, je me dois de lui expliquer pourquoi (selon son âge). Bien sur, il est inutile et même nocif d’expliquer à un enfant de quelques mois pourquoi il ne peut faire quelque chose. Mais, dès l’âge de trois ans, je peux au moins lui dire de manière très simple pourquoi je refuse. Par exemple «tu es trop petit », « tu vas te faire mal, ça brule », « tu seras fatigué demain »… En lui refusant quelque chose, je lui donne envie de grandir car, par mon explication, l’enfant va comprendre que c’est souvent une question d’âge.

4/ Dire NON, c’est permettre à l’enfant de rester un enfant. En lui disant NON, j’assume que je sais plus de choses que l’enfant et qu’il doit s’en remettre à moi. Il apprend alors à faire confiance et ne se retrouve pas à décider pour lui. Il reste à sa place d’enfant à prendre des décisions d’enfant ; prendre telle ou telle Barbie, faire du vélo ou de la trottinette, lire tel livre. L’enfant ne décide pas de quand il prend son médicament, ni comment. Il ne décide pas de sa sieste ni de l’heure du coucher. Il ne choisit pas son vêtement (si, si… il ne choisit pas son vêtement ! Un enfant ne sait pas adapter son vêtement à la journée à venir car il n’a pas toutes les infos. Au mieux, on lui donne à choisir entre deux vêtements qu’on a préalablement choisi).

5/ En disant NON à l’enfant, on lui apprend à se confronter à un autre que lui avec respect. On lui donne progressivement accès aux règles sociales.  

6/ Enfin, et pas des moindres, c’est faire respirer son couple. Quand on ne dit pas NON à son enfant, on le laisse prendre les décisions sur le quotidien et le couple est très vite envahi.

Il s’agit, ici, de noter que « le cadre » est différent de « l’autorité ». Dire non à son enfant se mesure. On ne dit pas non systématiquement. Cela aurait les mêmes conséquences que de ne jamais dire NON. Il s’agit de trouver le bon dosage. Un cadre est un bon compromis entre le OUI et le NON mais surtout des règles claires et bien définies dans lesquelles l’enfant peut se balader sans avoir peur qu’elles ne changent ! Dire NON est essentiel tant que le NON a un sens.

J’ai connu un parent qui a donné 20 lignes à son enfant de 6 ans parce qu’il se rongeait les ongles alors qu’il ne les lui coupait jamais!!!!! Cette punition est injuste et inappropriée. Elle n’a pas de sens. Un enfant ne fait pas de bêtise en se rongeant les ongles. Le parent, de son coté en fait deux : 1/ Il ne coupe pas les ongles de son enfant qui doit se débrouiller pour s’en débarrasser et 2/ il punit de manière farfelue quelque chose pour lequel il est responsable. L’enfant, en grandissant, comprendra le caractère inapproprié de ce type de punition et finira par ne plus accepter les règles car inconsistantes et il deviendra comme un enfant sans NON, un électron libre.

Quelles sont les conséquences d’une absence de cadre (de NON) sur l’enfant ?

D’un point de vue comportemental :

Les enfants qui ne sont pas confrontés au NON finissent par devenir les adultes dans le foyer. Ils s’apparentent à des petits tyrans qui régissent la vie et les liens unissant les individus. Cette tyrannie se manifeste de différentes manières.

On trouve souvent chez le petit garçon un comportement irascible, colérique et instable. Ce sont des petits garçons qui courent dans tous les sens, qui font du bruit, qui donnent des ordres et qui imposent leurs besoins. Par exemple, un petit garçon qui tend à décider si oui ou non, on peut sortir se balader. Si on tente de le lui imposer, il fait une colère. Alors, pour éviter la crise, on cède, on reste à la maison.

Chez la fille, on retrouve le plus souvent des petites filles qui pleurent pour un rien. Ce sont des petites filles dites fragiles, sensibles. Elles utilisent le pleur comme le petit garçon utilise la colère.

Dans les deux cas, l’enfant a compris comment faire du chantage et comment obtenir ce qu’il veut. Ce sont des enfants qui finalement ne supportent plus le NON puisqu’ils n’y ont jamais été confrontés.

Jean est un petit garçon de presque 4 ans. Il a l’habitude de s’opposer à sa maman qui ne sait pas trop comment s’y prendre avec lui. Un jour, alors qu’il a de la fièvre, sa maman tente de lui donner un médicament. Jean ne veut pas. Sa maman tente par différentes diversions de faire entendre à son fils qu’il doit le prendre. Elle propose un cadeau, un câlin. Elle promet un dessin animé. Elle tente de le faire rire. Elle lui propose de choisir entre deux médicaments. Rien y fait, Jean refuse.  Jusque là rien de bien dramatique si ce n’est que Jean ne prendra pas de médicaments. Sa maman n’a pas osé lever la voix. Elle n’a donc pas fait entendre à l’enfant que c’est elle l’adulte et c’est elle qui décide et qui sait ce qui est bon pour lui. L’enfant a pris la place de l’adulte et a perdu en sécurité. Un enfant de 4 ans doit se savoir pris dans un cadre pour pouvoir oser expérimenter. C’est pourquoi Jean reste collé à sa mère.

Etonnement, ces enfants peuvent être des élèves sérieux à l’école et très bien supporter les contraintes et les interdits. Ces enfants supportent d’ailleurs les interdits de la part de d’autres adultes que leurs parents. Ils recherchent même ailleurs ce cadre qui fait défaut dans leur quotidien.   

D’un point de vue psychologique :

Ces enfants, malheureusement, sont fragiles psychologiquement. Ils tendent à développer un type d’affection sur le mode de l’étayage, c’est-à-dire qu’ils vont avoir tendance à chercher des relations de dépendance à l’autre. Electron libre, il cherche à s’accrocher à quelque chose dans l’espoir qu’on puisse les stopper, les fixer !

Alan a six ans quand un homme entre dans la vie de sa maman. Il a du mal à accepter la présence de celui-ci alors qu’il est plutôt bienveillant. Alan, en fait, est un enfant collé à sa maman. Celle-ci, depuis toujours, se plie en 4 pour lui au point où elle devance ses besoins. Sa maman a du mal à supporter que son fils soit frustré, triste ou mécontent. Alan s’est donc collé à sa mère parce qu’il a développé une forme de peur de l’inconnu. Puisqu’il a du décider, puisqu’il est devenu responsable de la qualité de vie dans le foyer, puisqu’il est seul (personne ne l’aide à comprendre le monde qui l’entoure), il cherche désespérément à s’accrocher à quelqu’un ! Et ici, Alan est collé à sa mère car elle est le seul référent dans son foyer mais elle le met en position d’élection libre. Alan cherche un cadre en s’agrippant à sa maman. Le beau-père aura la lourde tache de remettre tout cela à niveau mais risque de se heurter à un enfant qui ne voit en lui qu’une menace.

Ce sont en fait des enfants qui ne se sentiront pas en sécurité de manière générale. Ils ont appris à se débrouiller seul pour comprendre le bien et le mal et ne sauront pas adapter leurs émotions à l’autre. Ils ont des difficultés à développer des compétences telles que l’empathie, la tolérance à la frustration et se positionne le plus souvent dans l’immédiateté.

Ces situations sont déconcertantes car les parents, pour la plupart, sont très présents avec leur enfant et pensent bien faire. Après tout, ils évitent de faire pleurer l’enfant et de le frustrer. Il n’y a pas de mot plus haut que l’autre. L’enfant n’est jamais embêté et ne risque pas d’être négligé ou même humilié. Or, cette absence de cadre, fait par des parents aimants et adorables, peut avoir des conséquences non négligeables sur l’enfant.

Je tiens à rassurer les parents, ne pas dire NON n’est pas la seule compétence parentale importante. Elle participe à l’éducation. Elle est essentielle mais pas déterminante à elle seule. Rien n’est figé en psychologie et l’éducation a de fantastique le fait que l’on peut toujours s’améliorer et agir pour des changements.

Je n’ai pas su dire NON, comment faire avec mon enfant ?

Commencer par dire NON et découvrir combien cela est dur et conflictuel. Dire NON à son enfant alors qu’il n’en a pas l’habitude, c’est s’opposer à lui, c’est venir lui rappeler qui est le plus fort. C’est commencer finalement un combat de coqs !

Je dirai qu’il faut y aller par étape. Quand l’enfant est tyrannique et a le sentiment qu’il est le maitre de la maison, on ne peut du jour au lendemain lui faire subir de nouvelles règles.

Il faut commencer par trouver un changement à venir. Par exemple, une entrée en maternelle ou en CP, un anniversaire, un changement de lit ou de chambre... Ce sont des étapes importantes pour l’enfant, des étapes qui signent le fait qu’il grandit et dont il est fier.

On dit à l’enfant que bientôt il va y avoir ce changement et que maintenant il va devoir être un grand garçon et que les règles vont changer. Par exemple, il ne pourra plus se coucher à 22h mais ce sera à 20h45.

Il faut parallèlement lui donner des éléments de fierté à l’idée de grandir. On ne peut pas juste lui annoncer que ce changement ne sera que cadre, nouvelles règles et baisse de plaisir. On peut, pour continuer sur l’exemple de l’heure du coucher, lui acheter un réveil et lui apprendre à lire le chiffre 20h45 afin que, de lui-même, il puisse le pointer. L’enfant sera alors fière d’avoir son réveil de grand et de pouvoir lire les chiffres. Il s’agit dans cet ajustement des règles et du NON d’y mettre du ludique et du plaisir pour l’enfant.

On peut également mettre en place un tableau avec la liste des nouvelles règles sous forme d’écriture ou sous forme de dessins. On créé cette liste avec l’enfant. On l’investit dans le projet afin qu’il finisse par croire que cela vient de lui. Durant cette étape, mes beaux-enfants ont même fini par nous rajouter des taches et des règles tellement ils se sentaient concernés. Ils n’ont d’ailleurs eu aucun problème à appliquer les règles car elles leur semblaient justes  (puisque créées par eux) !

Enfin, et le plus important, on applique les nouvelles règles. On ne lâche pas. On ne cède pas. L’enfant ne se laissera pas faire. O va éveiller des angoisses dans ces changements. Il risque d’y avoir des crises, des refus, des pleurs. Peu importe, on applique les règles dont on lui avait parlé !! Après un certain temps, il finira par accepter et son comportement se fera plus doux.

Parallèlement à cette phase, on n’hésite pas à rassurer son enfant sur la profondeur et la pérennité de ses sentiments. On rappelle à l’enfant qu’on est fier de lui chaque fois qu’il applique une règle. L’enfant doit gagner en amour dans cette étape. Sans réassurance, l’enfant ne verra que ce qu’il perd.  

Cette phase est également une phase expérimentale et déstabilisante pour le parent qui ne sait pas s’il fait bien. Le parent, en même temps, a peur d’être moins aimé de son enfant et risque de lâcher à nouveau du lest. C’est pourquoi il est important de discuter autour de soi de ses décisions (être soutenu) et de revenir sur des règles ou des punitions lorsque l’on comprend qu’on a eu tort. Par exemple, cet enfant qui a du faire 20 lignes, le parent aurait du lever la punition en avouant à son enfant qu’il avait fait une bêtise  (cela arrive aussi aux parents !). Le parent aurait du expliquer que dorénavant il lui couperait les ongles tous les jours afin d’être sur qu’il ne se les ronge plus. Ce n’est pas bien de se ronger les ongles, mais la réponse pour arrêter n’est pas dans la punition. Ou encore, et cela nous est arrivé à tous, dire NON de manière précipitée parce que l’on n’a pas pris le temps d’évaluer la situation et vouloir revenir sur le refus. Il n’y a aucune conséquences négatives sur l’enfant à revisiter un NON. Il s’agit juste de préciser « oups, maman n’avait pas vu qu’il avait arrêté de pleuvoir, oui tu peux sortir en fait ! ». L’enfant est heureux pour deux raisons, 1/ il sort. 2/ Son parent a reconnu s’être trompé et l’a pris en compte, l’enfant se sent vu.  Enfin, je conseille aux parents de ne pas hésiter à demander à son enfant comment il pourrait s’améliorer. En tant que parent, cela nous permet d’avoir accès à comment l’enfant nous perçoit. Cela permet de lancer une conversation et d’évaluer avec lui les efforts que le parent doit faire mais aussi ceux de l’enfant. Par exemple, un enfant qui répond « je n’aime pas quand tu cries », le parent peut rétorquer « c’est vrai, je crie facilement, mais toi, tu refuses d’écouter et tu es toujours à me répondre. Si on faisait un pacte, tu écoutes et je cris moins ». Chacun fait des efforts, et parfois y arrive et d’autre fois, échoue. L’important, c’est d’essayer ensemble.

Dire NON est essentiel et fait partie intégrante de l’éducation. Etre un  parent c’est dire NON, imposer des contraintes, donner des ordres. C’est être désagréable ! Et il faut le dire, même si ce n’est pas toujours facile de porter une casquette de méchant, c’est plus facile pour tout le monde quand les règles sont définies et respectées !! 

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